6 - VIVRE À SINGAPOUR 1988-1989

Publié le par Sandrine Arlaud

La vie au quotidien : manger

MANGER

Je comprends dès le premier jour qu’acheter à manger est un problème. Les produits occidentaux sont hors de prix, pas question d’acheter du fromage ou du café. Lorsque, rarement, au détour d’un rayon dans un magasin, nous rencontrons des Vache qui rit ou des Munster les Petits amis, nous ressentons un grand attendrissement. C’est juste pour le Made in France, car ce sont des produits que nous ne mangerions pas en France. Bref, de belles émotions.

Adam Road Food Center

Dans les boutiques chinoises de mon quartier, j’ai beau y passer du temps, je ne vois pas ce que je peux acheter, je ne connais rien de toutes ces nourritures. Pour le premier dîner à la maison, je concocte des pâtes de riz à la sauce tomate. C’est infect. Dès le lendemain, nous achèterons tous nos repas à l’Adam Road Food-Center qui est juste à côté de chez nous. À emporter ou à manger sur place. Du repas sur place, il m'en restera à tout jamais le plaisir de partager une table avec des inconnus. Un festival culinaire, ces mets chinois, malais, indiens, bourrés de piment ! Ils sont tellement bons qu’ils en deviennent addictifs. La pièce de la maison appelée cuisine ne servira plus jamais.

Singapore Food W.Hutton (photo R. Morrison)

Manger. Une drogue encouragée par le glutamate de sodium qui se trouve dans presque tous les plats chinois. Manger, même si on n’a pas faim. La papaye, la première fois, a le goût du shampooing, le durian pue mais il a un goût divin. Manger, manger ! Les moules aux coquilles vert émeraude, à la chair carminée de piment. La sensation du piquant ne venant pas tout de suite, on ne se méfie pas. Peu à peu vient la brûlure. La vague monte, déferle, paroxysme, orgasme du chili. La bouche est ouverte, la respiration coupée, les yeux brillants, le nez coulant. Malaise. Paralysie. Et, lentement, c’est le reflux grâce au Lassi, le yaourt indien, ou le sirop de rose. Manger la Murtabak (galette malaise fourrée de mouton émincé à la sauce curry), les Hot dry noodles (nouilles chinoises sans bouillon avec sauce de soja, pâte de sésame et huile de piment), le Mee goreng (nouilles indiennes frites dans l'ail, l'oignon, l'échalote avec crevettes, poulet, porc, boeuf, piment et légumes), les desserts aux Red beans (haricots rouges), l’Ais kacang (dessert coloré et décoré de fruits et sirops), les gâteaux de riz glutineux (fourrés à la confiture de viande de porc), les germes de soja fermentés, oui mais, non merci, pas les œufs crus conservés dix ans, cent ans ou mille ans dans la boue (quelques années plus tard, j'en découvrirai le goût de fromage en Chine), ni le ragoût d’œil de mouton.

À suivre... 7 - VIVRE À SINGAPOUR 1988-1989

Publié dans Ailleurs

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article