La rencontre

Publié le par Sandrine Arlaud

Il y a toujours la toute première fois, pour tout. Elle ne se renouvelle pas, c’est une évidence. Tu peux varier les exemples à l’infini : on fait quelque chose pour la première fois et ensuite, ce ne sont que les fois suivantes. Parce que, à moins d’être atteint de la maladie de l’oubli irrémédiable, jamais nous ne pouvons nous remettre en situation d’innocence, d’ignorance. Jamais nous ne revenons en arrière.

Certains esprits chagrins me rétorqueraient que, la première fois, c’est le privilège de la jeunesse. Que, plus vite qu’on ne le croit, on en arrive à penser qu’on fait certaines choses pour la dernière fois. NON ! J’ai la conviction que toute sa vie, jusqu’au bout du chemin, on peut toujours faire quelque chose pour la première fois.

Et pourtant, il y a une chose qu’on ne se lasse pas de faire et refaire pour la première fois. Un phénomène qui échappe à la loi fatidique des fois suivantes. Chaque fois, la première fois. Unique et pourtant multipliée indéfiniment. Et même si on ne le voulait pas, cette chose-là se produirait de toute façon. On peut y échapper, sans doute. S’isoler dans le désert ou sur une île inhabitée, vivre en ermite dans la montagne, être sur un nuage ou dans la Lune, faire la traversée en solitaire à bord d’un radeau, s’emmurer vivant, être contraint à l’enfermement. Et encore…

Une aventure inévitable. Qu’elle soit belle, désastreuse, désirée, subie, accidentelle, attendue, fracassante, amoureuse, arrangée, provoquée, mauvaise, fortuite, décisive, elle est toujours enrichissante. Parfois mortelle, donc ultime. Une aventure humaine, chaque fois pour la première fois, différente. D’aventure en aventure. Elle change la vie, on est souvent étonné qu’elle ait eu lieu. Deux trajectoires qui se croisent en un point déterminé à un instant précis. Moment fulgurant et néanmoins ténu, subtil, tellement éphémère qu’on ne se rappelle généralement ni où ni quand, tant il s’est perdu dans le labyrinthe obscur de la mémoire. Parfois, cependant, l’aventure est marquante, indélébile.

Multipliée par dix, cent ou mille ?

LA RENCONTRE.

Avec toi, l’autre, qui que tu sois, ami, ennemi.

Que serais-je sans toi ?

Un esprit sans esprit. Une âme déjà rendue. Un morceau de bidoche desséchée.

La parfaite métaphore serait le pont. Entre moi et l’autre, l’autre et moi. Le pont, c’est un édifice qui m’a toujours fascinée. Une des grandes œuvres humaines. Cette façon qu’il a de s’élancer d’un bord à l’autre, si improbablement. L’envol est esthétique, la retombée rassurante. Puissant. Il passe. Il va et il revient.

Extrait des Les lettres de mon Figuier, Tome 1 et 2, collectif publié chez TheBookEdition.com

https://www.thebookedition.com/fr/les-lettres-de-mon-figuier-p-78817.html?referer=https://www.thebookedition.com/fr/module/authorbanner/list&token=%C603761ddd54b2

Publié dans Billets d'humeur

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S
Joli texte :) La rencontre avec l'autre est une aventure, c'est vrai. Tout comme la rencontre avec soi-même. Il semble qu'on se connaisse et pourtant, dans certaines circonstances, un nouvel aspect de notre personnalité ressort. Nous prenons une situation sous un autre angle, et là c'est le choc : nous voyons avec un regard neuf. La première fois, elle peut venir à nous, mais l'inverse est possible : on peut aussi aller chercher cette première fois.
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